lundi 27 septembre 2010

La Chine

"Certains pays agissent comme des drogues. C'est le cas de la Chine, qui a l'étonnant pouvoir de rendre prétentieux tous ceux qui y sont allés - et même tous ceux qui en parlent.
La prétention fait écrire. D'où un nombre extraordinaire de livres sur la Chine. A l'image du pays qui les a inspirés, ces ouvrages sont le meilleur (Leys, Segalen, Claudel) ou le pire.
(...) C'est une règle sans exception: même les plus grands détracteurs de la Chine ressentent comme un adoubement la perspective d'y mettre le pied.
Rien ne pose autant son homme que de dire: "Je reviens de Chine" d'un air détaché.
(...) La Chine, c'est le classique, l'inconditionnel, c'est Chanel n°5.
Le snobisme n'explique pas tout. La part du fantasme est énorme et invincible. Le voyageur qui débarquerait en Chine sans une belle dose d'illusions chinoises ne verrait pas autre chose qu'un cauchemar.
(...) Bien sûr, il y avait la Cité Interdite, le Temple du Ciel, la Colline Parfumée, la Grande Muraille, les Tombes Ming. Mais ça, c'était le dimanche.
Le reste de la semaine, c'était l'immondice, la désespérance, la coulée de béton, le ghetto,la surveillance - autant de disciplines dans lesquelles les Chinois excellent.
Aucun pays n'aveugle à ce point: les gens qui le quittent parlent des splendeurs qu'ils ont vues. Malgré leur bonne foi, ils ont tendance à ne pas mentionner une hideur tentaculaire qui n'a pas pu leur échapper. C'est un phénomène étrange. La Chine est comme une courtisane habile qui parviendrait à faire oublier ses innombrables imperfections physiques sans même les dissimuler, et qui infatuerait tous ses amants."
(Amélie Nothomb, Le sabotage amoureux)

1 commentaire:

Cat a dit…

J'ai cru un instant que tu avais commencé à écrire ton prochain livre ! :)