lundi 13 septembre 2010

La carte et le territoire

"... depuis longtemps d’ailleurs les photographes exaspéraient Jed, en particulier les grands photographes, avec leur prétention de révéler dans leurs clichés la vérité de leurs modèles ; ils ne révélaient rien du tout, ils se contentaient de se placer devant vous et de déclencher le moteur de leur appareil pour prendre des centaines de clichés au petit bonheur en poussant des gloussements, et plus tard ils choisissaient les moins mauvais de la série, voilà comment ils procédaient, sans exception, tous ces soi-disant grands photographes, Jed en connaissait quelques-uns personnellement et n’avait pour eux que mépris, il les considérait tous autant qu’ils étaient comme à peu près aussi créatifs qu’un Photomaton."
(Michel Houellebecq, La carte et le territoire)

4 commentaires:

Bil a dit…

Cynique et lucide... N'est-ce pas ?

Olga Theuriet a dit…

De nouveau je prends un cours d'écriture. On ne sait jamais trop si on peut le dire sans se faire regarder de travers. Merci à vous pour cet extrait.

Unknown a dit…

L'artiste peut tout dire, doit tout dire.
Ce qui est amusant c'est que la photographie continue de se voir reprocher certaines choses qu'il ne nous viendrait pas à l'idée de reprocher à d'autres formes d'expression.
En écriture comme en peinture, qui n'a jamais pratiqué le remords?
Personne n'a tort, personne n'a raison de toute façon.
Les mauvais photographes ne sont pas ceux qui font beaucoup de clichés pour choisir le meilleur, ce sont ceux qui - au final -choisissent la mauvaise photo!
On ne reprochera jamais à un écrivain d'avoir réécrit son livre plusieurs fois. A condition qu'il en sorte du beau, du bon.
Nous viendrait-il à l'esprit de reprocher à Chaplin d'avoir tourné plusieurs fois la même scène jusqu'à obtenir ce qu'il souhaitait?
Il y aurait comme une forme d'innocence, de spontanéité à exiger de la photo et seulement d'elle.
Avec cette même spontanéité définitive, où seraient Proust, Kubrick, Vinci?
Peut-être la photographie, en captant l'autre par son image, cette impudeur absolue, nous renvoie-t-elle à un mystère insupportable?

A-noname a dit…

Moi j'adore le photomaton...